Aux Îles anglo-normandes sur les traces de Victor Hugo

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À quelques dizaines de kilomètres des côtes françaises, les îles anglo-normandes, refuges régulièrement décriés de la finance offshore sont, surprisingly, une merveilleuse terre de cocagne pour le pied du randonneur. Grand Angle ne s’y est pas trompé qui propose des séjours de randonnée sur ces îles, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Pas tout à fait anglaises, presque plus françaises si ce n’est dans la toponymie et quelques panneaux pittoresques, elles invitent à la douceur et au relâchement entre lieux d’accueil aimables et cosy et une nature tantôt domestiquée, tantôt sauvage, que Victor Hugo, exilé à Jersey puis Guernesey, célébrait dans son texte, « l’Archipel de la Manche » : Dans l’archipel de la Manche, la côte est presque partout sauvage. Ces îles sont de riants intérieurs, d’un abord âpre et bourru.

 

Terre donnée par un certain Perrée au Jersey National Trust © François Ribard
Terre donnée par un certain Perrée au Jersey National Trust © François Ribard

 

La côte de Sark, abrupte et sauvage et les rochers des Autelets © François Ribard
La côte de Sark, abrupte et sauvage et les rochers des Autelets © François Ribard

 

Ailleurs, il écrit, à propos de Guernesey : Terre fertile, grasse, forte. Nul pâturage meilleur. Le froment est célèbre, les vaches sont illustres (…) la sève fait merveilles ; magnolias, myrtes, daphnés, lauriers-roses, hortensias bleus ; les fuchsias sont excessifs (…) Guernesey, gracieuse d’un côté, est de l’autre terrible. L’ouest, dévasté, est sous le souffle du large. Là, les brisants, les rafales, les criques d’échouage, les barques rapiécées (…).

 

Veau de Jersey, race jersiaise © François Ribard
Veau de Jersey, race jersiaise © François Ribard

 

Îles, elles le sont depuis la fonte des calottes de glace constituées lors de la dernière glaciation avec, pour conséquence, la hausse générale du niveau de la mer qui les isola progressivement de leur lien terrestre avec la Normandie. Clin d’œil savoureux à cette histoire géomorphologique, l’imposante amplitude de marée en Manche redessine le contour des îles toutes les six heures et a façonné l’occupation humaine et les modes de vie.

 

Marée basse autour de Fort Grey, dans Rocquaine Bay, à l’ouest de Guernesey © François Ribard
Légende

 

Anglo-normandes, elles le sont depuis 1204 lorsque Philippe Auguste reprit la Normandie au roi d’Angleterre et duc de Normandie, Jean sans Terre. Oubliées dans les traités, les îles resteront fidèles à la couronne britannique et au roi Jean, qui, quoique « sans terre », ne restera donc pas « sans île » !

Jersey, Guernesey, Sark, Herm mais aussi Saint-Malo !

 

Départ de Saint-Malo © François Ribard
Départ de Saint-Malo © François Ribard

 

La cité corsaire au départ et à l’arrivée du séjour nous met déjà dans l’ambiance insulaire pour rallier ces trois pots de fleurs dans une pièce d’eau, selon les mots mêmes de Victor Hugo. Toutes les îles disposent d’un réseau étendu de sentiers côtiers, les fameux cliffpaths.

 

Randonneurs sur le cliffpath de Jersey
Randonneurs sur le cliffpath de Jersey

 

 

Moins facile qu’il n’y paraît tout en restant très abordable aux marcheurs débutants, la randonnée réserve des points de vue spectaculaires, au gré d’une rencontre fascinante entre le granite et les infinies variations qui composent la palette de la Manche.

Un bel exemple des balades insulaires se découvre lors des deux étapes qui longent la côte nord de l’île de Jersey, la plus vaste de tout l’archipel. À l’aplomb de l’immense plage de Saint Ouen, qui borde la quasi-totalité de la côte occidentale de Jersey sur huit kilomètres, nous voici sur la lande de Grosnez, que dominent les ruines d’un château du XIVe siècle.

 

La baie de Saint-Ouen à Jersey © François Ribard
La baie de Saint-Ouen à Jersey © François Ribard

 

Grosnez Castle sur l’île de Jersey © François Ribard
Grosnez Castle sur l’île de Jersey © François Ribard

 

Elle offre, par temps clair, une vue générale sur les Channel islands, jusqu’à l’île d’Aurigny, la plus excentrée des anglo-normandes et l’une des rares que notre randonnée ne foulera pas. À quatre-vingt mètres d’altitude, le plateau oblique à l’est et devient de plus en plus accidenté en se rapprochant de la grande plage de La Grève de Lecq.

 

Plage de La Grève de Lecq sur l’île de Jersey © François Ribard
Plage de La Grève de Lecq sur l’île de Jersey © François Ribard

 

Les premières volées de marches apparaissent. Elles ne nous oublieront pas lors de la randonnée qui rallie Bouley Bay en passant par des havres au nom évocateur comme Bonne Nuit Bay, et de superbes secteurs panoramiques où résonne le cri des goélands.

 

Port de Bonne Nuit Bay © François Ribard
Port de Bonne Nuit Bay © François Ribard

 

Quel contraste avec la côte sud, plus peuplée, le long d’un littoral apaisé où les anses se succèdent comme autant de petites cités balnéaires au charme très british. Voici la jolie baie de Saint Brelade à mi chemin entre le phare de La Corbière qui marque le sud ouest de l’île et l’immense baie de Saint Aubin que ferme le château Elisabeth. Il supplanta, à la fin du XVIe siècle, le château de Mont Orgueil bâti sur la côte est, comme pièce centrale de la défense de l’île. Aujourd’hui dévolu à de paisibles tâches muséographiques, c’est l’un des symboles de Saint Hélier, capitale de Jersey. Du port, situé à deux pas, prenons le bateau pour Saint Peter Port,

 

Saint-Pierre-Port à Guernesey © François Ribard
Saint-Pierre-Port à Guernesey © François Ribard

 

 

élégant chef-lieu de Guernesey où Victor Hugo vécut quatorze années avec sa famille mais à deux pas de sa compagne, Juliette Drouet. La maison victorienne de Hauteville House, qu’Hugo décora avec le génie romantique qui l’inspirait, est propriété de la ville de Paris. C’est un musée dont la visite s’impose pour saisir le talent et la démesure de ce géant des lettres et de l’architecture d’intérieur. Il faut aussi aimer flâner dans le dédale des passages et des escaliers de Saint Peter Port  Au-delà des rues commerçantes et des boutiques de luxe, le silence du merveilleux Candie Gardenoffre un lieu propice à la découverte botanique et au plaisir de faire halte pour une cup of tea.

 

H comme Hugo dans une des pièces de Hauteville house © François Ribard
H comme Hugo dans une des pièces de Hauteville house © François Ribard

 

Côté randonnée, nous retrouvons les charmes d’un cliffpath envoûtant. Il y a davantage que quelques traits communs entre la côte nord de Jersey et la côte sud de Guernesey, découpée, sauvage, ponctuée de quelques anses et ports minuscules, et hantée par les sites du roman de Victor Hugo « Les travailleurs de la mer ». Outre des volées de marches qui rappellent à nos mollets que ces îles de granite sont bien perchées au-dessus des flots, on retrouve de proche en proche les tours de défense, dites Martello tower aux allures de tours génoises qui servaient à protéger l’île contre les attaques françaises, lors de la guerre d’indépendance des U.S.A..

 

Randonneurs sur le cliffpath de Guernesey © François Ribard
Randonneurs sur le cliffpath de Guernesey © François Ribard
Petit Bôt Bay sur la côte sud – Son café, sa plage et sa tour Martello © François Ribard
Petit Bôt Bay sur la côte sud – Son café, sa plage et sa tour Martello © François Ribard

 

D’autres tours, de béton celles-là, érigées par les Allemands lors de la seconde Guerre mondiale, viennent rappeler que les îles anglo-normandes furent la seule partie du Royaume Uni, occupée par les Nazis et ce jusqu’au 9 mai 1945, au lendemain de la capitulation des armées du Reich. Mais le charme sauvage de cette côte est intact et contraste avec les côtes orientales et occidentales, plus basses et bordées de dunes et de cordons sableux qui favorisent une remarquable diversité d’oiseaux.

 

Goélands bruns © François Ribard
Goélands bruns © François Ribard

 

De plage paradisiaque, il en sera question lors de notre escapade sur Herm,  petite île situé à vingt minutes de Guernesey avec la très célèbre Shell Beach et ses myriades de petits coquillages venus, dit-on, du golfe du Mexique, poussés ici par je ne sais quel bras poète du Gulf Stream.

 

Shell beach à l’abri derrière des récifs qui compliquent la navigation © François Ribard
Shell beach à l’abri derrière des récifs qui compliquent la navigation © François Ribard

 

Mais il y a d’autres choses à voir sur cette île de poche où la randonnée se double d’une évasion de charme le long de collines fleuries, jusqu’au petit port croquignolet, à deux pas d’une localité de poupée. Pour les quelques habitants de Herm, se rendre à Guernesey, c’est sûr, s’apparente à une virée sur le continent !

 

Entre Guernesey et Herm, Bréhon tower, tour de défense du XIXe siècle © François Ribard
Entre Guernesey et Herm, Bréhon tower, tour de défense du XIXe siècle © François Ribard

 

Autre île, autre destin. Même si elle fait parti du « bailliage » de Guernesey, Sark – Sercq en Français – cultive sa différence. Et quelle différence : Sark est une table granitique perchée à cent mètres au dessus de la mer. Des plages, il y en a, oui, mais au terme de descentes dignes de ce nom.

 

Plage de La Grande Grève sur l’île de Sark. Au fond, Guernesey et Saint-Peter-Port. © François Ribard
Plage de La Grande Grève sur l’île de Sark. Au fond, Guernesey et Saint-Peter-Port. © François Ribard

 

Et je ne vous parle pas des remontées ! Mais le merveilleux et la beauté austère de Sark tient à son atmosphère campagnarde sur fond de grande bleue. Pas de voiture mais des tracteurs, des attelages pour touristes, des cyclistes et des piétons, bien sûr.

 

Sur les chemins de Sark avec, au fond, la Shell beach de Herm © François Ribard
Sur les chemins de Sark avec, au fond, la Shell beach de Herm © François Ribard

 

Sark, c’est un état féodal avec son Seigneur héritier d’un droit séculaire dont les fondements sont régulièrement battus en brèche par les modes de vie et la société contemporaine. Ni normande ni véritablement anglaise, Sark… c’est Sarket c’est la preuve ultime de la diversité des paysages et des cultures sur les Îles anglo-normandes…

 

Embarquement au port de la Maseline de Sark © François Ribard
Embarquement au port de la Maseline de Sark © François Ribard


Sur ces morceaux de France jetés dans la mer et ramassés par l’Angleterre, selon Victor Hugo, on ne randonne pas forcément à gauche sur les sentiers mais on profite d’infrastructures de qualité sous la houlette d’organisations de protection de la nature et de l’environnement qui travaillent activement pour préserver un remarquable terrain d’évasion dans une apaisante harmonie paysagère.

 

Moment de création à Jersey, sur le port de Rozel, à marée basse © François Ribard
Moment de création à Jersey, sur le port de Rozel, à marée basse © François Ribard

 

Essayez la randonnée sur ses terres attachantes et vous ne pourrez que constater que la Grande Bretagne a plus d’un atout… dans sa Manche !

 

Ce récit vous a donné envie de vous lancer à votre tour dans ce beau séjour qui vous conduit à travers les îles Anglo-Normandes : Jersey, Guernesey, Sark et Herm ? Retrouvez le ici !

 

Crédit texte et photo © François Ribard, accompagnateur Grand Angle

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