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Du Connemara aux îles d’Aran, c’est comme si l’on suivait les traces des grands glaciers du Quaternaire qui recouvraient la région il y a plusieurs millénaires… Du granite au calcaire, l’Irlande côté ouest a ceci de magique qu’elle a une âme faite de tourbe, de grands ciels changeants, de sols revêches aux cultures et de paysages qui parlent au cœur et contre lesquels battent les vagues d’un océan Atlantique souverain. L’ouest Irlande ce sont aussi des femmes et des hommes que l’on sent viscéralement attachés à leur terre tout en étant prêts à l’abandonner si d’aventure, la terre devenait top dure, les conditions de vie trop douloureuses. Mais c’est un peuple profondément ancré dans son terroir et dont la gentillesse est proverbiale. Il fait de l’accueil des étrangers une fête et un partage, comme pour célébrer l’instant présent, en donnant à vivre la richesse de sa culture celtique, notamment musicale. Au fond, l’Irlandais a toujours un œil qui rit et un œil qui pleure.

Killary Harbour
Killary Harbour © François Ribard

Mais il n’y a pas que les Irlandais qui sont – ou ont été – sensibles à l’âme celtique de l’Irlande de l’ouest. Ainsi le philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein qui a passé plusieurs mois dans un cottage du Killary harbour en 1948, à Rossroe, minuscule écart de quelques maisons, aux portes de l’océan. C’est là que commence notre périple, le long du plus long fjord d’Irlande, aujourd’hui dévolu à la mytiliculture, jusqu’au village perdu de Leenane. Splendeur des paysages montagneux où les arbres se comptent sur les doigts d’une main et où les moutons Scottish Blackface sont à leur aise.

Des scottish blackface sur Killary Harbour
Des scottish blackface sur Killary Harbour © François Ribard

Mais ce paysage rappelle également la douloureuse histoire de l’Irlande qui vit périr et partir tant et tant de ses enfants. Suivons l’itinéraire baptisé « chemin de la famine » créé lors des campagnes de grands travaux mises en place en 1845, pour fournir un emploi aux Irlandais victimes de la maladie de la pomme de terre.
Quel contraste avec le style néo-gothique de l’abbaye de Kylemore et ses jardins victoriens ! Construite entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, elle est enchâssée dans une végétation luxuriante.

Kylemore Abbey
Kylemore Abbey © François Ribard

Nous y faisons halte avant de faire étape à Cleggan, petit port du Connemara. Nous voici à pied d’œuvre pour une traversée en ferry jusqu’à l’île d’Inishbofin que fréquentèrent le russe Joseph Brodsky et l’irlandais Seamus Heaney, qui reçurent l’un et l’autre, le prix Nobel de littérature. Inishbofin, « l’île de la vache blanche » qui abrita une prison redoutée durant le terrible XVIe siècle de Cromwell, est la terre la plus occidentale du Connemara. Elle offre un saisissant terrain de randonnée, multipliant les contrastes à l’envi : grandes plages de sable immaculé, falaises côtières battues par la houle de l’Atlantique au pied desquelles des récifs accueillent des phoques qui se prélassent, localités lilliputiennes de maisons de pêcheurs et landes humides où la tourbe continue d’être exploitée.

Tas de tourbe sur Inishbofin
Tas de tourbe sur Inishbofin © François Ribard

 

 

C’est le cœur plein de cette ambiance de bout du monde que nous regagnons Cleggan avant une découverte complète des grands sites du Connemara et de ses localités pittoresques : Clifden, capitale colorée, qui parait plus importante que ce que suggère sa modeste population de deux-mille habitants. Définitivement plus ville que village, commerçante et animée, avec ses pubs où traine toujours l’écho d’un violon, c’est aussi la patrie du célèbre poney du Connemara. Si Clifden est la localité la plus à l’ouest du Connemara, repartons vers le sud-est jusqu’à Roudstone, village portuaire où l’on fabrique encore les « Bodhran » ces tambours traditionnels de la musique irlandaise avec des peaux de moutons « scottish blackface ». Dans une ambiance maritime et paysagère de toute beauté, c’est encore une halte que nous quittons à regret pour embarquer à destination d’Inishmore, la plus grande des fameuses îles d’Aran.

Sur Inishmore. Au fond, le relief du Connemara
Sur Inishmore. Au fond, le relief du Connemara © François Ribard

Nous voici au royaume du calcaire. Et quel calcaire ! Qui a vibré devant « l’homme d’Aran », le grand classique du documentaire cinématographique de l’américain Robert J. Flaherty, tourné en 1934, retrouvera une île, certes, pourvue de tout le confort actuel, mais viscéralement la même. Ô permanence des grandes dalles rocheuses, murets de pierre à l’infini, forts de pierre datant de l’âge du bronze…

Dun Duchatair sur Inishmore en Irlande
Dun Duchatair sur Inishmore en Irlande © François Ribard

Du calcaire ! Partout le calcaire ! Pourtant nous n’abandonnons pas le granite complètement. C’est ce que semblent nous susurrer d’imposants blocs granitiques – des « boulders » disent les Anglais, comme pour les rendre palpables par le son – poussés là par les glaciers venus du Connemara il y 20 000 ans et plus.

Bloc de granite laissé par les glaciers
Bloc de granite laissé par les glaciers © François Ribard

Encore une terre féconde pour la création littéraire. Le dramaturge irlandais John Millington Synge y puisa son inspiration. L’écrivain suisse Nicolas Bouvier a lui aussi, succombé à sa puissance et a consacré un merveilleux ouvrage à ces iles. Quant à l’écrivain Liam o’Flaherty, auteur du monumental « Famine », il y naquit. Un mémorial lui rend hommage dans la minuscule localité de Gort na gCaPall à deux pas de l’imposant fort celtique de Dún Aonghasa.

Monument à Liam o’Flaherty
Monument à Liam o’Flaherty © François Ribard

Nous n’avons pas trop d’une pleine journée pour découvrir l’incroyable caractère de cette île et ses sauvages falaises côtières. Çà et là, le profil de la côte s’apaise, laissant la mer découvrir une plage immense ou des bancs de rocs et de sable qui accueillent quelques phoques alanguis attendant la marée.

La belle plage de Kilmurvy
La belle plage de Kilmurvy © François Ribard

La traversée vers Doolin nous ferait presque croire que nous gagnons le continent tandis que mouettes, guillemots et fous de Bassan planent au-dessus de nos têtes. Doolin : capitale de la musique irlandaise, lit-on dans les guides touristiques. De fait, la petite localité qui disperse les maisons dans une large vallée, rassemble des visiteurs venus de toute l’Europe ou d’Amérique dans le pub O’Connor le soir venu, devant une pinte de Guinness ou un irish stew revigorant.

Fou de Bassan
Fou de Bassan © François Ribard

Mais décidemment, nous n’en avons pas fini avec les sortilèges irlandais. Il reste à découvrir les imposantes falaises côtières de Moher avant une randonnée d’envergure, de butte calcaire en vallée ouverte révélant le cœur des collines rocheuses du Burren, célèbre pour sa flore calcicole. Notre périple s’achève à Ballyvaughan, jolie localité posée sur la côte sud de la baie de Galway dont la sereine mélancolie alliée aux thèmes récurrents de la douloureuse histoire politique de l’Irlande a inspiré plusieurs chansons.

Le brouillard se lève sur les falaises de Moher
Le brouillard se lève sur les falaises de Moher © François Ribard

Et si vous n’êtes pas rassasiés de ces lumières changeantes sur l’océan, de l’accueil fraternel des Irlandais, ou de la fascinante originalité des paysages, bref si vous êtes envoûtés par la « west Ireland », il ne vous reste plus qu’à revenir !

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